Ekeno (Nusiro dans la guilde)

Il faisait plutôt chaud pour une journée d’Octolliar alors que je marchais sur ces terres nouvelles. J’arrivais enfin à Incarnam. Longtemps j’avais entendu les contes et légendes sur les braves hommes et femmes qui parcouraient le monde des Douzes. Nombreux aventuriers avaient commencé leur périple en posant le pied sur ces vastes plaines rocheuses. En m’y rendant j’aspirais à une vie meilleure, un avenir empli de voyages et de merveilles à visiter. Mon plus grand rêve était d’un jour rencontrer le Dieu Xélor, j’avais une envie irrésistible d’apprendre à manier les mécanismes complexes du temps.

Mes illusions furent bien vite détruites alors que des créatures effrayantes se ruaient vers moi pour m’attaquer. Encore tout jeune, je ne pouvais pas me défendre. Sous les coups incessants de ces bouftous agressifs, je commençais à faiblir. Je sentais mes forces me quitter, et bien vite, je ne fus plus capable de respirer. La douleur dans mes côtes déchirées par leur cornes affutées et mes jambes mordues jusqu’à la moelle devenaient plus qu’insupportable. Ce fut dans un dernier souffle de désespoir que j’eusse fermé les yeux attendant le coup de grâce. Coup qui ne vint étrangement pas. Malgré tout, je m’évanouis.

Lorsque je fus capable d’ouvrir les yeux à nouveau, je me trouvais dans un endroit différent. Je flottais dans l’espace. Je voyais les étoiles, les dimensions, les mondes tout autour de moi. Je fus pris d’une panique violente. J’étais donc mort ?

« Non, tu es bien vivant. » dit une voix qui résonnait de partout et de nulle part à la fois.

D’une voix incertaine j’avais demandé qui était là.

« Je t’ai choisi, Ekeno, pour être l’élu de mes prophéties. »

Je peinais à comprendre d’où venait la voix. C’était une voix quelque peu robotique, mais chaleureuse. J’étais probablement en train de rêver.

« Le monde des Douzes à besoin de toi, tu es le sauveur de ce monde en ruine. »

Comment pouvais-je être le sauveur de quoi que ce soit. J’avais été battu par de simples bouftous… Qu’allais-je bien pouvoir sauver…

« Tu es celui que j’ai choisi pour recevoir une partie de mes pouvoirs, Ekeno. »

J’allais recevoir les pouvoirs d’un Dieu, moi, j’avais du mal à y croire, c’était un rêve, pour sûr…

C’est alors que je vis se matérialiser devant moi le seul et unique Xélor. J’étais totalement bouche-bée. Non seulement j’allais recevoir des pouvoirs, mais ceux de Xélor lui-même. Sans dire quoi que ce soit, il fit un geste de la main. Ma peau commença à s’illuminer et à briller. Je sentais le Wakfu, l’énergie des Dieux, pénétrer en moi. Je me sentais invincible. Pour une fois dans ma vie je pouvais croire que je n’étais pas inutile. Le temps semblait être modelable à mon souhait, je voyais se défiler devant moi le passé, le présent, et le futur. Je pouvais tout changer à ma guise, mais je savais que ça me donnait aussi de grandes responsabilités.

« Il est temps pour toi de retourner chez toi, je te contacterai bientôt. »

Plus j’y pensais, plus tout cela me semblait impossible… L’idée que tout cela ne soit qu’un rêve m’effrayait au plus haut point. Je ne voulais pas redevenir l’Ekeno d’avant… Je préférais le moi puissant, le moi faible était malheureux… J’ai fermé les yeux alors que Xélor me renvoyait dans le monde des Douzes. Lorsque je les rouvris, j’étais dans mon lit. Les larmes vinrent rapidement déborder de mes paupières alors que je m’asseyais sur le bord de mon lit.

Je me retrouvais à nouveau à Amakna, dans ma petite maison toute simple dans laquelle je survivais seul depuis peu. La solitude était mon quotidien, et ce rêve m’avais encore plus rabaissé dans mon estime. Et mon ventre criait famine... J’allais devoir aller chasser le tofu. Prenant mon arc et mes flèches, je suis sorti. Je traquais un tofu lorsqu’au loin je vis des bouftous arriver. Je me revoyais encore dans mon rêve sentir leurs attaques se frayer un chemin dans ma chair…

Je pensais faire une crise cardiaque lorsque je les ai vus foncer vers moi. Je ne savais quoi faire. Ils s’approchaient de plus en plus alors que je restais figé là, complètement paralysé par la peur.

« Ta volonté est loi, ton imagination ta limite. »

D’un geste rapide je les avais pointés du doigt, et sans réfléchir, je les vis disparaître en cendres. Je n’arrivais pas à comprendre, mais j’étais réellement presque aussi puissant que Xélor. Pour être sûr de ne pas avoir rêvé, j’avais ressayé plusieurs fois sur tout ce qui bougeait, et ne bougeait pas. Le monde se pliait à ma volonté. Mais à force d’abuser de mes dons, mes forces s’étaient vidées. Je n’étais pas encore tout à fait prêt pour autant de puissances et de connaissances.

Dans un dernier éclair de lucidité, je pu apercevoir un disciple de Sram qui s’approchait de moi. Il me prit dans ses bras pour m’emmener dans un endroit que je n’avais jamais vu avant. Puis ce fut le noir total. J’entendais des bribes de conversations, mais je n’arrivais pas à comprendre mot de ce qu’ils se disaient.

Doucement, je revins à moi. J’étais entouré de gens inconnus à ma mémoire, tous me fixaient. Ils chuchotaient alors qu’ils me voyaient me réveiller.

« Où suis-je ? » avais-je demandé tout en me passant une main sur la tête.

« Tu te sens bien ? » m’avait demandé celui qui m’avait recueilli.

J’ai hoché de la tête timidement. Ils me posèrent énormément de questions. J’avais dû leur avouer ma solitude. Mais encore, je ne savais pas où j’étais…

« Dans ta nouvelle famille, si tu le souhaites. » m’avait répondu le disciple de Sram.